Course de limaces


Cette année 2018 est assurément compliquée pour les jardiniers débutants. Ces chers gastéropodes ont décidé d'envahir nos jardins de façon... exubérante.
Il faut bien dire que ce printemps très pluvieux et pas très chaleureux, leur offre une large opportunité.
Pour le reste, je laisse le sujet aux experts qui sauront bien mieux que moi trouver les explications de cette agitation...

En attendant, les limaces constituent une vraie préoccupation, et à vrai dire, une occupation tout court !
A peine avons-nous tourné le dos que ces petites malines en profitent pour se faufiler et croquer une jeune pousse fraichement plantée.
Moult bruits courent vis-à-vis du petit estomac rampant souvent surnommé "le baveux"... Cependant, à lire les masses de commentaires le concernant, il est clair que c'est la guerre dans les jardins.

Des hypothèses les plus sympathiques aux procédés les plus barbares, nombreuses sont les propositions...

La coupelle de bière pour les attirer et les noyer... sauf que cette bière va attirer les limaces du voisinage qui, sans cette fatale gourmandise, n'auraient même pas envisagé de prendre la direction de votre jardin... Sans oublier que des insectes (dont les staphylins et carabes, prédateurs naturels de limaces) viennent aussi y mourir dans la coupelle et, pire encore, cette bière met en danger les hérissons qui seraient tentés de la boire (ivres ils tituberaient, tomberaient, et seraient ainsi vulnérables aux dangers environnants)

La cendre ? C'est sûr qu'un gastéropode aura du mal à glisser là-dessus... Une pluie et s'en est fini de l'effet de la cendre (sauf pour le sol et sa vie qui n'apprécieront sûrement pas d'ailleurs), alors à quoi bon ? Le marc de café ou la sciure sont tout aussi éphémères...

Les nerfs des jardiniers sont soumis à rude épreuve, certes, mais que d'épreuves aussi pour les limaces !
C'est à celui qui sera le plus ingénieux, perdant parfois de vue que la réponse adoptée est cruelle et destructrice...

Les coquilles d'oeufs broyées, les aiguilles de pin, les ajoncs aux épines redoutable etc etc
Il me semble que le pire que j'ai pu lire consistait à attraper des limaces, les mixer dans l'eau et d'épandre en "spray" la mixture obtenue sur les végétaux de façon à "dissuader" les autres de venir...

Toutes ces suggestions ont été citées par des gens se réclamant "permaculteurs"... Ont-ils bien saisi ce qu'est la permaculture, ses fondements, sa quête ?
Juste un petit rappel sur 3 des fondements de la permaculture, souvent cités :

- prendre soin de la terre
- prendre soin de l'humain
- partager équitablement

Je ne pense pas que chercher à éradiquer les limaces soit une idée qui penche en direction du soin de la terre. En ne prenant pas soin de la terre, nous ne prenons pas soin de l'humain (toujours dépendant de la terre) ; quant à partager équitablement, il semblerait que ces jardiniers aient oublié ce que cela signifie.

Pourquoi donc s'en débarrasser ?

Sur le point de l'envahissement du jardin, je suis à la même enseigne que les autres. Par contre, je me refuse totalement à faire le moindre mal à ses chers gastéropodes (oui chers, parce que nous dépendons d'eux aussi). Oui, ils ont dévasté mon jardin, mes jeunes plants et les moins jeunes aussi d'ailleurs.
Pour autant, je n'ai aucune colère, aucune haine, aucune envie de leur faire le moindre mal. Les limaces, elles ne font que vivre leur vie, et si leur vie signifie se jeter sur un plant de salade pour se nourrir, elles le feront.

Tous les jours je sauve une ou deux limaces égarées en train de se dessécher sur les dalles de la terrasse... aurais-je perdu l'esprit ? Je ne le pense pas.
J'ai essayé plusieurs solutions pour non pas "lutter contre" mais "vivre avec".
J'ai fait du compostage de surface : j'ai récupéré des végétaux invendables que mon maraicher a bien voulu m'offrir, et je les ai cachés juste sous la paille à disposition des limaces. J'ai même ouvert un restaurant pour limaces en installant 2 mètres carrés de paille et en y mettant une grosse quantité de végétaux "fanés". J'ai disposé de larges feuilles de fougères croisées autour de jeunes plants afin de les dissuader de venir...
Certes ces solutions ont fonctionnées, mais le nombre de limaces était trop conséquent pour que les dégâts cessent... Mon paillage était leur vrai nid douillet (gîte et couvert) ; alors j'ai pris une décision difficile : j'ai décidé d'enlever le paillage et de le remiser au fond du jardin... Pourtant le paillage est très important pour l'équilibre de mon sol, mais au lieu de passer mon temps à jardiner, je le passais à ramasser des centaines de limaces matin et soir, c'était un non sens absolu. Depuis que j'ai enlevé mon énorme paillage, cela se passe bien mieux.
Dans le même temps, sur les conseils d'une personne bien avisée, il y a quelques jours à peine, j'ai semé énormément de légumineuses, de salades, et bien d'autres végétaux. Je commence déjà à remettre une fine couche de paillage sur mon sol (tout doucement, au fur et à mesure que les graines germent)

Demain est un jour nouveau ; c'est aussi pour moi le début de la plantation des plants de tomates. Une certaine fébrilité et appréhension persiste. Alors en fin d'après-midi, j'ai fait le tour des endroits encore paillés, du restaurant à limaces et aussi un peu du paillage remisé. Afin de me donner l'illusion de minimiser les risques, dans un seau avec un fond d'eau, j'ai ramassé toutes les limaces que je trouvais.


Je n'ai pas compté leur nombre... entre 300 et 500 individus... En scrutant la cantine des limaces, je suis retombée sur la limace léopard (ou tigrée) déjà trouvée l'autre jour, à une dizaine de mètres de là (à moins que ce ne soit une 2ème !) Bien évidemment, je l'ai gardée dans la cantine...


Avec toutes ces limaces, mon jardin commence à accueillir les staphylins, les mille-pattes, et les carabes !


Je ne veux pas que les limaces quittent mon jardin, elles nous sont trop utiles (voir les vidéos ci-dessous pour comprendre pourquoi) ; je cherche juste à trouver un équilibre numéraire...
Au final, qu'allais-je faire de toutes ces limaces ramassées... Je les voyais essayer de grimper sur les bords et cherche à sortir à tout prix... Je suis partie à pied. Derrière chez moi, à quelques centaines de mètres, il y a un petit bois. Je les ai éparpillées parmi les végétaux en leur demandant de ne pas toutes revenir en même temps :)

Quel enseignement ai-je tiré de tout ceci ?

Tout d'abord, la nature a un point de perfection que nous n'aurons jamais. Ensuite, je ne comprends pas l'acharnement haineux à leur encontre. Les jardiniers vénèrent les vers de terre car ils nous sont précieux (et c'est bien connu) et fustigent les limaces par ignorance (car elles nous sont tout aussi précieuses !)
Que de temps perdu à essayer de contenir cette passagère invasion, un temps qui n'apporte rien au jardin puisque c'est du temps qui ne sera pas passé à jardiner.
Enfin, il est possible que mes plantations de cette année se soldent par un cuisant échec. Dans ce cas, ma tâche sera de l'accepter et d'apprendre de mes erreurs, seules responsables.

Mise à jour juin 2020 :

Cet article avait été écrit en 2018. Depuis, j'ai beaucoup évolué dans mon apprentissage, mes tentatives, mes approches. J'ai assisté à un développement conséquent de la faune du jardin. Staphylins, carabes, lézards, mille pattes, crapauds et même une salamandre... tout ce petit monde est à l'oeuvre et leur nombre est conséquent. Malgré tout, malgré toutes mes tentatives, le nombre de gastéropodes n'a cessé d'augmenter. Quand vous plantez quelques 180 poireaux et qu'il ne vous en reste que 3 à l'arrivée ; lorsque les quelques centaines de bulbes d'oignons, d'échalotes, de ciboule plantés vous n'avez même pas réussi a en retrouver un seul ; lorsque vous avez multiplié les semis de cucurbitacées, de tomates, de salades, de fleurs etc en vous disant qu'à l'arrivée vous en aurez quelques uns et qu'au final vous commencez le solstice d'été sans choux, avec 1% de courgette et de courges, qu'il ne vous reste qu'une belle quantité de tomates très en retard car plantées tardivement ; quand vous n'avez quasiment pas eu le loisir de goûter à vos petits pois, que même les fèves ont dû se battre pour s'en sortir (pour mieux tomber dans les bouches de punaises - mais ça c'est une autre histoire) ; quand même au moment où j'écris alors que juillet sera là la semaine prochaine, mes pommes de terre sont devenues le restaurant permanent des gastéropodes ; quand vous comptez le nombre décroissant journalier des poivrons qu'il vous reste alors que vous en aviez planté environ 90 et que vous assistez à l'extinction progressive des haricots que vous avez semez et qui tentent de pointer le bout de leur feuilles... que convient-il de faire ?
L'opiniâtreté a toujours une limite, et j'ai atteins la mienne. C'est donc en toute humilité que je renonce.
C'est ma décision et elle ne remet aucunement en question tout ce que j'ai écrit précédemment et dont je suis toujours convaincue. Visiblement, je n'ai pas réussi à atteindre un consensus qui me permette de m'épanouir en compagnie des gastéropodes, c'est ainsi.











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