Justes


De l'aube au crépuscule, peu importe la voute céleste, tant de mains ont œuvré, tant de têtes ont pensé, tant de jambes ont foulé des terres qui auraient dû rester vierges de la présence humaine.

A l'aube tout semblait envisageable, un monde à continuellement inventer, peaufiner, apprécier, déguster, redécouvrir, partager...
Au crépuscule tout est devenu clos, un air vicié, une eau de particules identifiables, une terre plus du tout arable... "Productivité", "compétitivité", "concurrence"... Amoncellement de pseudo-richesses et épidémies de réels et absolus dénuements.

Le "prenez garde à ceux qui n'ont rien" parait aujourd'hui vain mis en balance avec terre-mère qui, elle, ne fait et ne fera aucune distinction, car il est un fait avéré que tout en lui faisant subir les outrages les plus ignobles, nous avons besoin d'elle ; mais elle, n'a aucunement besoin de l'humain.

L'humain est la lie de cette planète, certes. Pour autant, il est des êtres qui se distinguent des autres de par leur quête de justesse. Ils savent bien que rien de ce qu'ils entreprendront ne sera parfait, quand bien même ils voueraient leur vie à tenter d'y parvenir. Mais ces êtres là s'élèvent au-dessus de la masse et, bien que le terme soit historiquement dédié, j'aime les nommer "les justes".
Ces justes n'ont pas de notion de hiérarchie car chacun et chaque réalité importe. Tout ce qui compose le globe leur importe. Ils ne calculent pas le poids du bonheur au poids de leur poche, mais à leur propre capacité à accomplir des actes qui soient en harmonie avec leurs valeurs.

Le paradigme qui diffère c'est l'idée de valeur.
Qu'est-ce qu'un monde amnésique qui oublie d'user vertueusement de ses sens ? Qu'est-ce qu'une masse d'humains qui passe outre les sources de sa subsistance ? Comment qualifier ces humains qui usent et abusent continuellement les uns des autres ?

Nos sociétés sont un désordre sans nom vivant au sein d'un ordre qu'ils massacrent avec allégresse.
Et vive l'opulence ! Vive moi ! Vive toutes les transgressions sociales qui me rendront plus puissant et m'apporteront l'abondance !

La plaie béante que l'humain a générée ne disparaitra pas sans son géniteur.
Ce que je nomme les "justes" sont aujourd'hui le dernier rempart, la dernière résistance au chaos annoncé. Ils ont en eux la noblesse et l'humilité suffisante pour respecter le globe, mère-nature évidemment, mais aussi respecter l'ensemble des sociétés et respecter leurs semblables au sein de leur société.

Malheureusement, ils ne sont pas assez nombreux pour que le contrepoids puisse changer le cours des évènements. Tout au plus arriveront-ils à le ralentir un tout petit peu.
Que ce soit l'histoire du colibri que nous conte souvent Pierre Rabhi (https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement/nos-valeurs) ou que ce soit celle de l'étoile (voir ci-dessous), il s'agit de faire sa part et d'avoir la capacité d'avoir de l'empathie ou du moins de la compassion pour les êtres vivants.

L'étoile

Un homme cheminait, le front bas, le long de la plage. De temps en temps, il se penchait, ramassait au bord des vagues, sur le sable, on ne savait quoi, et le jetait au loin dans la mer. Un promeneur qui l'observait avec curiosité s'approcha de lui, le salua et demanda :

- Que faites-vous ?
- Vous le voyez, répondit l'autre, je rends à l'océan ses étoiles de mer. La marée les a apportées, elles sont restées là, sur le sable. Je dois les remettre à l'eau, sinon, c'est sûr, elles vont mourir.
- Des étoiles de mer, signala le promeneur, rien que sur cette plage, il y en a des milliers. Et le long de toutes les côtes, tous les jours, il s'en échoue des millions, que vous ne pourrez pas sauver ! C'est leur destin. Vous n'y pouvez rien changer.

L'homme ramassa une étoile, la tint un instant dans sa main...
Il murmura :
- Oui, sans doute, vous avez raison.

Mais en la rejetant dans les vagues, il ajouta :
- Mais pour elle, ça change tout.

Henri Gougaud - "Petits contes de sagesse pour temps turbulents"


Certains parlent de vertu pour exprimer ce que je qualifie de justesse... La sémantique est variable, mais, à l'image des deux textes précités, les valeurs demeurent communes.

La Vertu n'a pas de récompense. Agir vertueusement est sa propre satisfaction et se suffit. En attendre une récompense n'est pas vertueux. Car il s'agirait de donner à nos actes une autre finalité que leur correspondance aussi parfaite que possible à ce qui est bon et juste pour tous.
Jean-Luc Mélenchon - Extrait de "De la Vertu"

Nombre de personnes se sont fort bien exprimées sur ces sujets. L'un d'entre eux n'est autre qu'Albert Einstein. Parmi les innombrables mots de cet homme, je dépose ces quelques mots qui font sens :

Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré.
Albert Einstein

Notre monde est menacé par une crise dont l'ampleur semble échapper à ceux qui ont le pouvoir de prendre de grandes décisions pour le bien ou pour le mal. La puissance déchaînée de l'homme a tout changé, sauf nos modes de pensée, et nous glissons vers une catastrophe sans précédent. Une nouvelle façon de penser est essentielle si l'humanité veut vivre. Détourner cette menace est le problème le plus urgent de notre temps.
Albert Einstein

Je ne sais s'il existe une solution qui ne soit pas catastrophique. Je ne sais si ces "justes" pourraient arriver à rendre leurs valeurs contagieuses au point de renverser la "tendance". Je ne sais combien de temps il nous reste avant que nous soyons rattrapés par nos erreurs. A défaut de réponses, et à défaut d'avoir le pouvoir d'influer de façon significative, comme d'autres, j'essaie modestement de faire ma part...


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