Transfuge ?





C’en est assez.
Comment orienter une vie qui ne cesse de filer
entre les doigts ; que faire devant un tel
désaccord, espérer ? On se fatigue d’espérer.
Quand on fumé toutes les cigarettes, qu’on
a bu à tous les verres qui nous sont tendus ;
quand on a tellement erré dans les rues
qu’on finit par toutes les connaître et que
la soi-disant errance ne devient plus qu’un
parcours marché, passé et trépassé ;
quand on n’en peut plus de toujours
repasser et s’arrêter au même coin de
rue en espérant un signe qui ne viendra
jamais ; quand on a essayé tous les compromis
pour trouver une quelconque
consolation, un quelconque substitut ;
quand tous les arbres commencent à rire
lors de votre passage ; quand tous les
caniveaux se moquent et éjaculent
sur les chaussures ; quand le sol lui-même
ironise et se dérobe, pour voir
comment la pauvre petite ombre va
bien pouvoir se tenir ; quand votre
regard se brouille et que la vue s’enfuit
vers d’autres yeux, fatiguée de ceux-là
qui ne savent plus où la diriger ;
quand les épaules elles aussi désespèrent
et s’effondrent jusqu’aux racines d’un
vieux chêne ; quand la pluie se change
en crapauds qui jonglent sur
le front ; quand la voix prend des
tonalités métalliques et que blindée
elle n’arrive même plus à atteindre un
autre corps, et quand ces corps se sentant
légitimement agressés se mettent à faire
jaillir leurs pointes, leurs épingles aussi
tranchantes que celles d’un hérisson ;
Quand le jour en a assez d’attendre et
qu’il projette son épine dorsale sur
la pauvre noix ramollie, que faut-il
faire, disparaître ? Attendons encore un
peu, tous les compromis n’ont pas
encore été épuisés.

29/01/1988


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