La toque


La soirée avait été agréable, conviviale, et Jeanne était toujours comblée par tant d’échanges, de communication… du moins essayait-elle de toutes ses forces de s’en convaincre.
A vrai dire, c’était une soirée des plus banales, une de ces réunions entre amis où l’idée de se retrouver était la seule motivation, l’unique support qui justifiait la rencontre – une de ces soirées où finalement rien ne se passait, où les gens étaient, sans même s’en apercevoir, sur la défensive, où ils n’arrivaient pas le moins du monde à communiquer quoi que ce soit à qui que ce soit… Une de ces soirées perdues en "Alors où va-t-on ?" en "Que fait-on ?", une de ces soirées qui finalement se terminaient tard, vous laissant un arrière goût de je ne sais quoi, une sensation de temps perdu.

Jeanne était fatiguée de ne savoir refuser ces faux-semblants. Elle continuait de se rendre à ces rendez-vous sans intérêt pour ne pas sombrer dans l’ennui ou la torpeur, pour se donner l’illusion d’exister, de partager des bouts de vies, mais c’était un leurre qui n’arrivait même plus à la tromper.

Elle rentrait donc de cette soirée sans attrait. Elle était là, assise au volant de sa vieille Renault cinq, à essayer de garder les paupières ouvertes sur le chemin du retour. Sa radio était allumée et calée sur une station qui diffusait une émission en direct ; un espace-temps où les gens de la nuit avaient la parole, où ils pouvaient se livrer à souhait, s’épancher publiquement.

Elle écoutait fréquemment le désespoir des gens sur ces ondes. C’était un rituel qu’elle aimait bien. Il lui arrivait même de se projeter dans ces vies contées, de se sentir comme étrangement et résolument impliquée dans ces bouts de vies. Parfois, elle oubliait même de sortir de sa voiture alors qu’elle était rendue à son domicile depuis un moment déjà.
Mais ce soir là, rien de tel ne surviendrait, elle le savait ; elle était bien trop éreintée, vidée par cette soirée gâchée et n’avait plus qu’une envie : aller se glisser, se lover sous sa couette moelleuse et oublier bien vite cette journée.

Jeanne arriva donc devant l’entrée de sa résidence. Elle put se garer dans la rue sans difficulté. Le plus difficile restait de sortir de son véhicule ; c’était la fin décembre, l’entre deux fêtes, et le froid mordant avait décidé de s’installer une fois pour toutes.
Elle prit son courage à deux mains et s’extirpa de la voiture, puis elle verrouilla sa portière et commença à remonter la rue.

« - S’il vous plaît… »

Jeanne hésita un instant… Avait-elle réellement entendu une voix ou était-ce le bruit du vent qui se jouait d’elle ?
Elle regarda tout autour d’elle pour vérifier les alentours, mais ne vit pas âme qui vive. Elle poursuivit donc sa marche…

« - S’il vous plaît… »

Là, le doute n’était plus possible. Elle stoppa net. Pas très rassurée par la situation, elle regarda de tous côtés dans la pénombre. La rue était large et la chaussée éclairée, ce qui lui permit de voir une ombre de l’autre côté de la rue. C’était une large silhouette mais pas très grande… c’était une femme.

Pendant ce laps de temps, elle vît la personne se laisser choir de tout son poids sur le banc qui était juste derrière elle. Dans un mouvement spontané, Jeanne traversa la chaussée.
Arrivée à hauteur de cette inconnue, elle s’aperçut qu’il s’agissait d’une dame d’un certain âge.
Elle était assise là, tassée sur elle-même mais très digne en même temps. Elle portait un épais manteau noir et sa tête était protégée par une toque en fourrure. Elle tenait son sac serré contre elle.

- Mais que faites-vous là à une heure pareille et avec ce froid ?
- S’il vous plaît… Aidez-moi… Je suis perdue…
- Perdue ? Mais où habitez-vous ?

- J’arrive de province… Je cherche ma nièce qui habite à Joinville, mais comme je ne suis pas revenue ici depuis longtemps, je n’ai pas su retrouver sa rue…

- Joinville ? C’est normal que vous n’arriviez pas à retrouver sa rue parce que vous n’êtes pas à Joinville là, mais à Champigny.

- Je ne sais pas où je suis parce que j’ai cherché pendant des heures et j’ai marché jusqu’ici. Vous savez, je ne suis pas venue ici depuis 30 ans, et tout à beaucoup changé… Je ne reconnais rien.

- Vous avez marché ?! Mais c’est loin ! Vous devez être fatiguée là… Avez-vous l’adresse exacte de votre nièce ?

- Oui… Elle s’appelle Caroline Calvire… Et son adresse… Je l’ai noté sur un papier… attendez…

Tandis que la dame cherchait dans son sac l’adresse de sa nièce, Jeanne fit rapidement le point de la situation et son esprit lui suggéra immédiatement une stratégie à adopter.

- Bon. Tout d’abord, vous ne pouvez pas rester ici. Le froid est très mordant et puis vous devez également vous reposer. Vous allez venir avec moi ; j’habite de l’autre côté de la rue. Vous pourrez vous réchauffer pendant que je chercherai l’adresse sur un plan.

Jeanne s’approcha encore de la dame pour l’aider à se lever. Elle lui attrapa l’avant bras et, au moment où la dame se levait et essayait de faire un pas, elle lâcha un cri de douleur et se laissa retomber sur le banc.

- Je ne peux pas… j’ai trop mal.
- Où avez-vous mal ?
- J’ai mal à ma hanche…

Jeanne sentit un instant la panique s’emparer d’elle, puis le calme repris le dessus. Cette dame devait être épuisée d’avoir tant marché. A son âge, il était bien normal d’être en proie à ce genre de douleur…

- Ecoutez… Je vais aller chez moi, je vais essayer de trouver un plan, d’identifier l’endroit, et je reviens tout de suite… d’accord ?

- Oui, oui… Merci beaucoup madame, merci beaucoup…

Jeanne hésita un instant à la laisser ainsi sur ce banc et dans ce climat si glacial, mais il fallait agir rapidement. Elle tourna les talons et commença à traverser la chaussée. Légèrement sur la droite, il y avait un petit troquet de banlieue. La lumière était allumée… Il y avait encore du monde à l’intérieur. La buée l’empêchait d’en savoir davantage, mais peut-être pour se rassurer, pour chercher de l’aide, elle décida d’y pénétrer…
A peine eut-elle ouvert la porte qu’elle regretta son geste. Ce fût une vision d’horreur : l’atmosphère était très enfumée. L’endroit était surpeuplé de ces piliers de bar, de ces âmes en déroute qui viennent échouer là… Elle était l’unique femme dans cet espace et à peine eut-elle mis un pied dans ce lieu de perdition que tous les regards se dirigèrent vers elle – regards vitreux, intrigués ; regards presque menaçants qui signifiaient qu’elle n’était pas la bienvenue. Un monstrueux frisson la parcouru…

Elle se ressaisit très vite et alla jusqu’au bout du comptoir pour parler au patron.
L’homme la regardait très surpris…

- Excusez-moi… Auriez-vous un plan des environs s’il vous plaît ?

L’homme ne répondit pas mais il lui fit un signe du menton pour lui montrer l’arrière salle. Elle comprit qu’elle devait s’y rendre pour espérer avoir une réponse. Il lui emboîta le pas. Une angoisse s’empara brutalement de Jeanne. L’arrière-salle… Un billard trônait au centre de la pièce sombre. Un bruit d’interrupteur se fit entendre. Le patron venait d’allumer l’éclairage de la pièce. Elle le suivit du regard. Il s’approcha d’un mur où était accroché un plan plastifié des environs. Ils cherchèrent ensemble, mais indubitablement cette rue ne figurait nulle part.
Jeanne le remercia de ses efforts et, sans demander son reste, quitta rapidement ce lieu glauque et menaçant. Une fois dehors, elle vit que la dame était toujours là, sur son banc. En accélérant son pas, elle se dirigea vers son appartement.

A peine eut-elle pénétré dans son refuge qu’une petite boule de poils, se mit à miauler. Jeanne n’était pas rentrée de la journée et sa petite féline affamée lui signifiait son mécontentement. Jeanne se dit qu’elle pourrait bien patienter encore un petit moment, et elle se précipita sur l’annuaire.

Elle ne pouvait s’empêcher d’avoir encore quelques doutes sur l’identité et l’adresse de cette fameuse nièce, et c’est avec soulagement qu’elle vérifia que les coordonnées figuraient bien dans l’annuaire actuel. Il ne restait donc plus qu’à la localiser sur un plan… Mais là survint l’obstacle majeur : elle n’avait pas de plan. Par chance la nièce n’était pas sur la liste rouge… Elle releva donc le N° de téléphone. Après quelques minutes de réflexion, elle attrapa une paire de gants pour protéger ses mains du froid, et redescendit rapidement.

La dame n’avait pas bougé.

- J’ai trouvé les coordonnées téléphoniques de votre nièce, mais je n’ai pas de plan, je ne sais donc pas où elle habite. Je vous propose la chose suivante : juste à deux pas d’ici, il y a une cabine téléphonique. Si vous m’y autorisez, je téléphone à votre nièce, et je lui explique ce qui se passe. Vous êtes d’accord ?
- Oh… Ce serait tellement gentil de votre part…

- Dans ce cas, dites-moi vos nom et prénom s’il vous plaît.

- Madame Denise Piot.

- Très bien… Je reviens tout de suite.

Jeanne tourna les talons en direction de la cabine téléphonique. Elle jeta un rapide coup d’œil à sa montre. Il était plus d’une heure du matin. De nature plutôt timide et ayant horreur d’importuner qui que ce soit, elle sentait son pouls s’accélérer lors de la moindre occasion où elle se savait responsable d’une quelconque altération de la bonne marche des événements. Aussi, c’est la peur au ventre et en prenant une profonde inspiration, qu’elle saisit le combiné et composa le N° de madame Calvire. Au terme de la troisième sonnerie, quelqu’un décrocha.

- Allô ?

- Madame Calvire ?

- Oui…

- Bonsoir madame. Voilà, je suis désolée de vous déranger à cette heure… Vous ne me connaissez pas, mais je vous appelle de la part de votre tante, madame Denise Piot. C’est bien votre tante, n’est-ce-pas ?

- Heu... Oui…

- Bien. Votre tante est assise sur un banc public, devant la poste de Champigny. Elle est venue en train jusqu’à Joinville et a sillonné les rues des heures durant pour se rendre chez vous, mais n’arrivant pas à vous retrouver, elle a continué à marcher pour finalement échouer ici. Elle est épuisée et n’arrive plus à faire un pas maintenant… Pouvez-vous venir la chercher ?

- Heu… et bien… Je vais réveiller mon mari et nous allons arriver… Devant la poste de Champigny ?

- Oui, c’est ça.
- Où est-ce au juste ?
- C’est dans la rue Jean Jaurès… Dans le prolongement de celle qui mène à Joinville… C’est dans la rue de la mairie mais juste 500 m avant.

- Bon… Très bien. Nous allons arriver.

Jeanne sortit de la cabine quelque peu soulagée, tout en éprouvant au fond d’elle un sentiment encore flou, une contrariété. Quelque chose la dérangeait, lui déplaisait, mais elle n’arrivait pas à percevoir quoi exactement…
Elle alla s’asseoir aux côtés de la petite dame restée immobile.

- Madame Piot, soyez rassurée à présent, votre nièce arrive.

Elle avait l’air assez paniqué par toute la situation et Jeanne allait bientôt comprendre jusqu’à quel point cette dame avait besoin d’aide.

- Merci beaucoup madame… Vous savez, c’est un miracle que je sois arrivée jusqu’ici. En fait, je me suis enfuie comme j’ai pu. Mon fils a réussi à me mettre sous sa tutelle ; mais ce n’est en fait que dans le but de s’approprier mes biens. J’avais un commerce il y a un an encore, et regardez à quoi il ressemble aujourd’hui… Elle venait de sortir une photographie de son sac à main. Jeanne regarda l’image qui, effectivement, représentait une vitrine derrière laquelle étaient empilés des cartons. Cela ne ressemblait plus à rien et Jeanne eut soudain le sentiment d’assister à un conte dramatique.

- Depuis des mois, je suis séquestrée chez moi. Il m’a fallu organiser mon voyage en cachette… Je me suis quasiment enfuie pour venir jusqu’ici. Je ne sais plus quoi faire vous savez…Je suis la proie de mon charognard de fils qui ne pense qu’à essayer de récupérer mes biens…

- Mais vous n’avez pas essayé de trouver de l’aide ? La police… ou un notaire… ne peuvent-ils rien pour vous ?

- Je ne sais pas… C’est la première fois depuis longtemps que j’arrive à m’extirper de ma maison… Il est sans arrêt à me surveiller…

Jeanne a toujours aimé les investigations ; ce n’était pas un hasard si ses neurones se mettaient déjà à brasser dans tous les sens les informations que cette dame lui confiait. Aussi, Jeanne se demanda ce qui pouvait bien empêcher le fils de sa protégée de s’en prendre plus ouvertement et… plus physiquement à sa mère. Elle ne croyait nullement en son amour filial ; il devait donc bien exister une raison logique et suffisamment importante pour justifier cette retenue, cette prudence.

- Il doit bien exister une solution… quelque chose qui pourrait vous libérer de son emprise…

- Je ne sais plus quoi faire… Il me rend la vie impossible. Il est constamment derrière moi, à me surveiller… Depuis la mort de mon mari, je suis seule, personne ne s’occupe de moi… J’ai même l’impression que les gens me sont hostiles… Je parle de ma famille… Les amis, je ne les vois plus depuis que mon mari est parti. Ma vie est bien triste depuis, et je ne sais pas… je ne comprends pas bien tous ces gens qui, tantôt sont méchants, tantôt m’écoutent des heures entières raconter ma vie, mes souvenirs… Mon fils aussi est comme ça mais il est plus impatient et sa méchanceté est de plus en plus grande. J’ai peur de lui.

Jeanne l’écoutait parler tout en guettant la route. Elle avait l’impression d’assister à une projection cinématographique. Ecouter cette femme s’épancher, expliquer son histoire sans même une miette de complaisance, sans se poser en victime absolue mais juste à sa place de femme âgée qui essaie de comprendre ce qui lui arrive, qui a peur et qui essaie de réagir… tout ceci avait le don d’émouvoir Jeanne au plus profond de son être. Elle serait restée des heures entières à l’écouter parler ; elle serait restée aussi longtemps que cette femme aurait eu quelque chose à dire. Jeanne était si absorbée par cette âme si émouvante, qu’elle en oubliait totalement le froid ambiant et l’heure avancée qu’il était ; il fallut bien les phares d’une voiture approchant pour arriver à détourner suffisamment son attention et pour qu’elle réalise que la nièce et son mari arrivaient.

La voiture ralentit lorsqu’elle arriva à quelques dizaines de mètres du bureau de poste. Jeanne s’était levée et se tenait debout tout près du caniveau pour qu’on puisse l’apercevoir d’assez loin. Effectivement les Calvire semblaient l’avoir repérée puisqu’ils arrêtèrent leur véhicule à sa hauteur.
La nièce présumée était assise à droite, sur le siège passager ; quant à son mari, il était au volant et Jeanne ne pouvait voir son visage de l’endroit où elle était. La nièce était une femme de 35-40 ans, de style classique, le type même de la femme «passe-partout»…
La nièce, toujours assise dans son habitacle bien sécurisé, regarda quelques secondes madame Piot ; puis elle appuya sur un bouton qui fit descendre la vitre dans un ronronnement déplaisant. Il n’y eut aucune entrée en matière. C’est le plus naturellement du monde qu’elle jeta :

« - Je ne connais pas cette femme »

Jeanne aurait souhaité qu’une trappe s’ouvre sur le bitume, et qu’elle soit happée à la seconde même pour éviter la confusion qui régnait en elle et le regard perdu qui devait être le sien à cet instant précis. Une multitude d’idées et d’émotions se bousculaient au portillon et il lui fallait rassembler ses neurones éparpillés par la confusion, pour arriver à trier le tout… Cette madame Piot était-elle une pauvre mythomane qui, émotionnellement perturbée s’était inventée une petite histoire pour passer le week-end ? Avait-elle affaire à une malade qui aurait monté cette histoire de toutes pièces ? Non, c’était impossible. Jeanne ne pouvait pas y croire. Depuis environ deux heures qu’elle écoutait cette femme parler, il était impossible qu’elle ne se soit rendu compte de rien…

Jeanne en était là de ses réflexions lorsque tout à coup, la vieille dame ayant entendu les propos tenus par cette femme derrière la portière, se leva de son banc. Debout face à tout le monde, elle leva une main au-dessus de son visage, saisit la toque qui reposait sur sa tête, la garda fermement serrée dans sa main et la ramena contre son torse. Le regard fixé sur la personne assise confortablement dans sa voiture, elle fit lentement mais résolument deux pas en avant.

« - Comment ? Tu ne me reconnais donc pas ? »

Elle avait lâché cette phrase sortie tout droit de son cœur et emprunte d’un désespoir sans nom. Voir cette femme très digne malgré les circonstances ; entendre sa voix et écouter l’expression de ses paroles, avait fini de convaincre Jeanne de la sincérité de ses propos, de l’authenticité de son histoire.
La jeune femme prit quelques secondes pour observer cette dame qui s’était rapprochée de la voiture…

« - Comment ? C’est toi ? Mais que fais-tu ici ? »

La petite dame semblait émue et n’arrivait plus à trouver ses mots. Elle se contentait de regarder sa nièce, sachant que ce n’était ni l’endroit, ni le moment de rentrer dans une longue explication.

« Que veux-tu qu’on fasse de toi ? A cette heure la gare est fermée ! »

A ces mots Jeanne sentit comme un vent glacé heurter son visage. Comme une vague déferlante, elle fut saisie par ces paroles ignobles qui venaient d’être bel et bien prononcées. Madame Piot aussi avait accusé le coup et, elle qui n’arrivait déjà pas à aligner ses mots pour en faire des phrases, fut à ce point anéantie qu’elle se figea dans un silence absolu. Jeanne, quant à elle, aurait aimé en lâchant quelques mots pouvoir immédiatement ramener cette nièce inhumaine à la raison et effacer les paroles qu’elle venait de lancer comme de gros pavés, mais elle avait tant été sonnée qu’elle plongea dans une confusion qui la laissa interdite. Elle ne pouvait qu’assister, impuissante, à ce qui allait avoir lieu, sans trouver le moyen de réagir.
C’est le mari qui finit par intervenir. Il avait dû sentir que les paroles de sa femme étaient de trop et hors sujet. Il eut la présence d’esprit de sortir de la voiture, d’en faire le tour, et, au moment où il s’apprêtait à ouvrir la portière arrière à madame Piot il la regarda :

« Bon, nous verrons cela plus tard… Pour le moment il y a plus important je pense. »

Il aida la petite dame à s’installer dans la voiture. Avant que Jeanne ne referma la portière, madame Piot la remercia en deux mots.
De derrière sa vitre fermée, la dame adressa un regard sincère et profond à Jeanne – regard où toute une vie lui était contée – regard où elle lisait l’émotion, le trouble, mais la peur aussi. Jeanne lui rendit son regard emprunt de tout le réconfort dont elle était capable à travers un simple regard.
La voiture s’éloigna rapidement, laissant Jeanne sur son bord de trottoir…
Elle resta sur place quelques secondes… Ce petit temps fut pourtant suffisamment long pour qu’elle en vienne à se demander si tous ces événements avaient bel et bien eu lieu ou si toute cette histoire n’était que le fruit de sa fertile imagination…

Le froid ambiant aida Jeanne à rompre le fil de ses pensées. Elle était littéralement gelée de la tête jusqu’au bout des orteils. Aussi, elle se hâta de rentrer chez elle.
Arrivée dans sa tanière, elle fut de nouveau assaillie par sa féline affamée. Elle ne pouvait plus déroger à présent, il fallait s’occuper d’elle. Elle prit le temps qu’il fallait pour lui donner de quoi calmer son estomac, puis se décida à rendre sa litière digne de ce nom. Ensuite seulement, elle put, passant outre son cérémonial nocturne, se glisser sous la couette moelleuse et réconfortante. Elle n’eut pas le temps de s’adonner à la contemplation des événements récents et sombra dans un sommeil profond et comme d’habitude, mouvementé.


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